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PENSÉES DE

duire en erreur, & qu’il n’y avoit qu’un peuple auſſi charnel que celuy là qui s’y puſt méprendre.

Car quand les biens ſont promis en abondance, qui les empeſchoit d’entendre les veritables biens, ſinon leur cupidité qui déterminoit ce ſens aux biens de la terre ? Mais ceux qui n’avoient de biens qu’en Dieu, les rapportoient uniquement à Dieu. Car il y a deux principes qui partagent les volontés des hommes, la cupidité, & la charité. Ce n’eſt pas que la cupidité ne puiſſe demeurer avec la foy, & que la charité ne subſiſte avec les biens de la terre. Mais la cupidité uſe de Dieu, & joüit du monde, & la charité au contraire uſe du monde & joüit de Dieu.

Or la derniere fin eſt ce qui donne le nom aux choſes. Tout ce qui nous empeſche d’y arriver eſt appellé ennemy. Ainſy les creatures quoy que bonnes ſont ennemies des juſtes quand elles les détournent de Dieu, & Dieu meſme eſt l’ennemy de ceux dont il trouble la convoitiſe.