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M. PASCAL.

la eſt clair. Donc s’il euſt eu deſſein de tromper, il l’euſt fait en ſorte qu’on ne l’euſt pû convaincre de tromperie. Il a fait tout le contraire ; car s’il euſt debité des fables, il n’y euſt point eu de Juif qui n’en euſt pû reconnoiſtre l’impoſture.

Pourquoy, par exemple, a-t’il fait la vie des premiers hommes ſi longue, & si peu de generations ? Il euſt pû ſe cacher dans une multitude de generations ; mais il ne le pouvoit en ſi peu ; car ce n’eſt pas le nombre des années, mais la multitude des generations qui rend les choſes obſcures.

La verité ne s’altere que par le changement des hommes. Et cependant il met deux choſes les plus memorables qui ſe ſoient jamais imaginées, ſçavoir la creation, & le deluge, ſi proches qu’on y touche, par le peu qu’il fait de generations. De ſorte qu’au temps où il écrivoit ces choſes, la memoire en devoit encore eſtre toute recente dans l’eſprit de tous les Juifs.

§ Sem qui a vû Lamech, qui a vû Adam, a vû au moins Abraham ;