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PENSÉES DE

ce qui me doit arriver, & que je n’ay qu’à ſuivre mes inclinations ſans reflexion & ſans inquietude, en faiſant tout ce qu’il faut pour tomber dans le malheur eternel au cas que ce qu’on en dit ſoit veritable. Peut-eſtre que je pourrois trouver quelqu’éclairciſſement dans mes doutes ; mais je n’en veux pas prendre la peine, ny faire un pas pour le chercher ; & en traittant avec mépris ceux qui ſe travailleroient de ce ſoin, je veux aller ſans prévoyance & ſans crainte tenter un ſi grand evenement, & me laiſſer mollement conduire à la mort dans l’incertitude de l’eternité de ma condition future.

En verité il eſt glorieux à la Religion d’avoir pour ennemis des hommes ſi déraiſonnables ; & leur oppoſition luy eſt ſi peu dangereuſe qu’elle ſert au contraire à l’établiſſement des principalles veritez qu’elle nous enſeigne. Car la foy Chreſtienne ne va principalement qu’à eſtablir ces deux choſes, la corruption de la nature, & la redemption de Jesus-Christ. Or s’ils