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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

gards dans les mœurs ténébreuses, mais marcher tout droit sur la ligne, sans le moindre écart.

XIX

Si l’on ambitionne avec tant d’ardeur la renommée qu’on doit laisser après soi[1], c’est qu’on ne réfléchit pas assez qu’il n’est point un seul de ces hommes qui se seront souvenus de vous qui ne doive aussi mourir à son tour, qu’il en sera de même indéfiniment, et pour celui qui héritera de ce premier admirateur, et pour tous ceux qui suivront, jusqu’à ce que, enfin, s’éteigne cette renommée tout entière, passant de ceux qui la recherchent avec tant d’ardeur à ceux qui s’éteignent après l’avoir un instant entretenue. Sup-

    « À l’exemple de l’homme de bien. » Les deux leçons sont très-acceptables ; mais la seconde aurait en sa faveur la nuance un peu poétique des mots qu’emploie Marc-Aurèle, nuance que j’ai essayé de conserver dans ma traduction.

  1. La renommée qu’on doit laisser après soi. Ce dédain énergique et sincère de la gloire est remarquable ici à deux titres. D’abord, il vient d’un empereur, maître du monde ; et en second lieu, au temps de Marc-Aurèle, ces idées aujourd’hui si communes étaient toutes nouvelles. Elles devaient d’autant plus frapper ceux à qui elles s’adressaient. Pour nous, ces idées, toutes justes qu’elles sont, ont moins de piquant parce qu’elles ont moins de nouveauté. Le sage n’en doit pas moins les méditer et les accueillir ; car elles sont profondément vraies ; et la philosophie stoïque est ici en plein accord avec l’humilité chré-