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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

vœu ; et tu croirais que cet accident qui t’arrive peut t’empêcher d’être juste, magnanime, sage, réfléchi, circonspect, sincère, modeste, libre, et d’avoir toutes ces autres qualités qui suffisent pour que la nature de l’homme conserve tous ses caractères propres ! Quant au reste, souviens-toi, dans toute circonstance qui peut provoquer ta tristesse, de recourir à cette utile maxime : « Non seulement l’accident qui m’est survenu n’est point un malheur ; mais de plus, c’est un bonheur véritable, si je sais le supporter[1] avec un généreux courage. »

L

C’est un secours assez singulier, mais pourtant passablement efficace, pour s’apprendre à mépriser la mort[2], que de récapituler dans sa mé-

    que ce n’étaient pas de vains mots.

  1. Si je sais le supporter. Tout est là, quoique bien souvent la sensibilité de l’homme se révolte, et qu’elle résiste à la raison. Sénèque, qui avait si bien parlé, au nom du stoïcisme, du repos du sage et de la tranquillité de l’âme, a su mourir avec un courage inébranlable, quoique sa conscience ne fût peut-être pas absolument tranquille à ce moment suprême.
  2. Pour s’apprendre à mépriser la mort. C’est en effet un apprentissage pour le philosophe, parce que l’instinct de la nature nous porte en sens contraire. D’ailleurs, il est certain