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LIVRE V, § XX.

XX

À certains égards, l’homme est pour nous tout ce qu’il y a de plus proche, parce que, dans nos rapports avec nos semblables, nous devons leur faire du bien et les tolérer ; mais en tant qu’un homme fait obstacle à l’accomplissement de mes devoirs personnels, l’homme devient alors pour moi un être indifférent[1], tout aussi bien que pourrait l’être, ou le soleil, ou le vent, ou un animal quelconque. Eux aussi, en certains cas, peuvent arrêter mon activité ; mais, au fond, ce ne sont pas là de vrais obstacles à ma volonté[2] et à mes dispositions morales, parce que je puis toujours, ou m’abstraire des choses, ou leur donner

    près irrésistible. Mais l’âme peut se rendre indépendante de toutes leurs surprises et de leurs séductions. C’est un des plus grands côtés du stoïcisme d’avoir tant présumé des forces de l’âme humaine. Voir, plus loin, des pensées tout à fait analogues, liv. XI, § 16.

  1. Un être indifférent. L’homme ne peut jamais être indifférent, au même titre qu’un corps quelconque de la nature, parce qu’il est le seul être libre et responsable. Les stoïciens donnaient au mot Indifférent un sens spécial ; ils entendaient par là les choses qui ne sont ni bonnes ni mauvaises moralement, et qui par conséquent doivent être sans importance pour le sage, qui ne les recherche ni ne les repousse : la richesse, la santé, la gloire, la puissance.
  2. De vrais obstacles à ma volonté. Il est impossible de proclamer plus énergiquement le libre arbitre de l’homme et son indépendance morale.