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LIVRE VI, § XXVI.

XXV

Essaie de calculer le nombre énorme de choses[1], corporelles ou morales, qui se passent en chacun de nous, pendant un seul et même instant imperceptible ; alors tu ne seras plus surpris qu’un nombre encore beaucoup plus grand de choses, ou pour mieux dire que tout ce qui se produit dans cette unité et cette totalité qui se nomme le monde, puisse y tenir et y exister simultanément.

XXVI

Si l’on te demandait comment s’écrit le mot d’Antonin[2], aurais-tu donc grands efforts à faire

  1. Le nombre énorme de choses. En effet, les phénomènes qui se passent dans notre corps, dont les fonctions ne cessent pas un instant, sont excessivement nombreux. Nous n’en avons pas conscience ; mais nous savons avec pleine certitude qu’ils y ont lieu, bien qu’à notre insu. Quant aux phénomènes qui sont ceux de notre esprit, ils sont en moins grand nombre ; mais ils sont encore plus merveilleux, ne serait-ce que par l’intuition intime que nous en avons.
  2. Comment s’écrit le mot d’Antonin. L’exemple peut paraître d’abord un peu singulier ; mais il n’a pas d’autre objet que de choisir une action indifférente entre mille autres. Il est vrai que tout dans la vie n’a pas ce caractère d’indifférence absolue ; mais, même en face des choses les plus blâmables et les plus révoltantes, il est bon de rester de sang-froid, pour donner des conseils que la douceur peut rendre plus efficaces.