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Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/334

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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

le plaisir comme un bien, et de fuir la douleur comme un mal[1]. Il est inévitable qu’avec ces idées on accuse incessamment la commune nature d’avoir réparti ses dons, sans considération de mérite, entre les méchants et les bons, puisqu’à chaque instant les méchants jouissent des plaisirs de ce monde[2] et de tous les moyens de se les procurer, et que les bons sont plongés dans la douleur[3], exposés aux causes de tout genre qui la produisent. D’une autre part, quand on redoute la douleur, on doit par suite redouter bien des événements que le monde doit néanmoins voir s’accomplir. C’est là encore une disposition impie. Quand on tient tant au plaisir, on ne se défend pas assez de commettre des fautes contre ses semblables ; et c’est également une impiété manifeste. Dans les choses où la commune nature se montre indifférente, puisque, certainement, elle n’aurait pas fait les deux si elle n’était pas profondément indifférente

    tique que les précédentes. Ce n’est pas une impiété que d’aimer les plaisirs ; c’est une faiblesse très-naturelle, quoique souvent très-dangereuse.

  1. Fuir la douleur comme un mal. Il ne faut pas nier que la douleur ne soit un mal ; mais bien souvent il faut savoir la prendre comme une épreuve, ou comme un juste châtiment.
  2. Les méchants jouissent des plaisirs de ce monde. Voir plus haut, liv. VI, § 34.
  3. Les bons sont plongés dans la douleur. C’est plutôt une exception qu’une règle ordinaire.