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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

XIV

L’homme éclairé et respectueux dit à la nature[1], qui nous donne tout et qui peut tout nous reprendre : « Donne-moi ce que tu veux[2] ; reprends-moi ce que tu veux. » Mais s’il tient ce langage, ce n’est pas pour braver la nature audacieusement ; c’est uniquement parce qu’il est docile et reconnaissant envers elle.

XV

Ce qui te reste à vivre[3] est bien peu de chose. Vis donc comme si tu étais au sommet d’un mont[4] ; car il n’importe point qu’on soit ici ou qu’on soit

  1. La nature. En d’autres termes, Dieu ; il n’y a ici qu’une différence de mots.
  2. Donne-moi ce que tu veux. C’est la résignation poussée au dernier degré de la raison et de la foi ; c’est la confiance absolue en la bonté divine. Job dit aussi, ch. I, § 21 : « Le Seigneur me l’a donné ; le Seigneur me l’a enlevé. Il en est arrivé ce que le Seigneur a voulu ; que le nom du Seigneur soit béni. » Voir plus haut, liv. VIII, § 55.
  3. À vivre. Le texte n’est pas aussi précis ; mais la suite prouve que c’est bien là le sens.
  4. Au sommet d’un mont. La pensée ici non plus n’est pas assez claire ; et elle n’est qu’incomplètement rendue. C’est peut-être de l’isolement moral du sage que Marc-Aurèle veut parler ; c’est peut-être aussi du spectacle qu’il donne aux autres hommes, qui peuvent le voir de toute part, comme de toute part on voit la cime élevée d’une montagne. Je préfère le premier sens au second. Voir plus loin, § 23.