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LIVRE X, § XXVI.

XXVI

La semence une fois versée dans l’organe qui la doit recevoir, le père disparaît. Pour ce qui se développe ensuite, c’est une autre cause qui, recevant ce germe, élabore et parachève l’enfant[1]. Quel début ! Quel progrès[2] ! Puis l’enfant absorbe de la nourriture, qui passe par sa bouche. Et pour ce qui va suivre encore, c’est également une autre cause qui, recevant ces premiers matériaux, produit la sensibilité, les passions, en un mot, la vie, avec les forces et toutes les facultés qui la composent. En quel nombre ! Avec quelle énergie ! Contemplons ce qui se passe dans ces

    turelles à l’homme ; mais c’est à la raison de les dompter et de les restreindre dans de sages limites.

  1. Le père disparaît… l’enfant. L’expression du texte est plus générale ; mais la suite prouve bien qu’il s’agit de l’être humain spécialement.
  2. Quel début, quel progrès ! L’admiration de Marc-Aurèle pour l’organisation de l’homme est aussi vive que justifiée, et tout ce qu’il dit ici est d’une vérité incontestable. Le matérialisme contemporain a obscurci toutes ces grandes et claires idées ; et certainement, l’homme est à lui-même la plus prodigieuse merveille de ce monde, si, de sa constitution matérielle et de sa vie purement animale, il passe à sa vie morale et au spectacle de sa conscience et de son libre arbitre. Ce sont là des contemplations que chacun de nous peut se donner. La sagesse antique ne s’y était pas méprise, et ces idées étaient déjà si répandues, même avant notre ère, que les poëtes eux-mêmes en étaient l’écho. Os homini sublime dedit… disait Ovide. Ces vérités éclatantes, voilées pour un instant, ne