Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/406

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
384
PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

En te mettant sans cesse à ce point de vue, tu comprendras que les choses humaines ne sont que fumée et que néant[1]. Tu en seras surtout convaincu, si tu te rappelles en même temps que l’être qui a une fois changé et disparu ne redeviendra jamais ce qu’il a été, dans toute la durée du temps infini. Et toi, dans combien de temps vas-tu changer aussi ? Est-ce qu’il ne te suffit pas d’avoir fourni comme il convient[2] cette courte carrière ? Quelle réalité, quelle chimère[3] peux-tu craindre et fuir encore ? Qu’est-ce, en effet, que tout cela, si ce n’est une suite d’exercices pour la raison, appréciant nettement, et par l’étude exacte de la nature, ce que valent les choses de la vie[4] ? Arrives-en donc avec persévérance à t’assimiler ainsi ces vérités, de même qu’un estomac robuste[5] s’assimile tous les aliments, de même[6]

    de ses prédécesseurs.

  1. Que fumée et que néant. On a déjà vu des idées et des expressions semblables, liv. II, § 17, et on les retrouvera plus bas, liv. XII, §§ 27 et 33. L’image de la fumée appliquée aux choses de la vie est aussi naturelle que juste.
  2. Comme il convient. C’est-à-dire, en accomplissant sans cesse le devoir, sous toutes les formes où il se présente.
  3. Quelle réalité, quelle chimère. Le texte n’est peut-être pas aussi précis.
  4. Ce que valent les choses de la vie. Il ne faut pas oublier que c’est un empereur qui parle.
  5. De même qu’un estomac robuste. Image très-exacte.
  6. De même qu’un feu qui brille. Voir plus haut, liv. IV, § 1.