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Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/462

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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

V

Comment est-il possible de concevoir que les Dieux, qui ont ordonné si bien les choses et avec tant d’amour pour l’humanité, n’aient oublié qu’un seul point, à savoir que ces quelques hommes, qui ont été complètement bons, qui furent en quelque sorte presque toute leur vie en commerce étroit avec la divinité, qui sont entrés le plus avant dans sa familiarité, par leurs œuvres saintes et par leurs pieux sacrifices, ne reviennent plus à la vie[1] une fois qu’ils sont morts, et qu’ils s’éteignent à jamais ? Puisqu’il en est ainsi, sois bien persuadé que, s’il avait fallu qu’il en fût autrement, les Dieux l’eussent certainement fait ; que, si cet arrangement eût été juste, il aurait été possible ; et que, s’il eût été conforme à la nature, la nature n’eût pas manqué de le produire. De ce que cela n’est pas

  1. Ne reviennent plus à la vie. La réponse que Marc-Aurèle fait à cette question est aussi la seule qu’on puisse y faire. Les choses sont ainsi, parce que Dieu a trouvé bon qu’elles le fussent. Mais la vie qui nous est accordée a d’autant plus de prix qu’elle est unique, et qu’il n’est plus possible de la recommencer. C’est là un témoignage de plus de la sagesse de Dieu. Ce qui donne si peu de valeur à la vie chez les peuples bouddhiques et même brahmaniques, c’est la croyance à la transmigration. Une existence qui peut avoir été précédée et qui peut être suivie de