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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

XXI

Il ne s’écoulera pas beaucoup de temps[1] encore pour que toi-même tu ne sois absolument rien, non plus que chacune de ces choses que tu vois présentement, non plus que chacun de ceux qui présentement vivent avec toi[2]. La nature veut que tout change[3], que tout se transforme, que tout périsse, pour que d’autres êtres puissent à leur tour succéder à ce qui est.

XXII

Sache bien que les choses ne sont que l’idée que tu t’en fais[4]. Or cette idée dépend toujours de toi ; supprime-la donc, quand tu le veux ; et,

  1. Il ne s’écoulera pas beaucoup de temps. Voir plus haut, liv. IX, la fin du § 28 et le § 32.
  2. Qui présentement vivent avec toi. Voir plus haut, le septième précepte du § 18, du liv. XI.
  3. La nature veut que tout change. Il est vrai que cette mobilité perpétuelle des choses devrait les rendre bien méprisables à nos yeux, si nous ne nous disions en même temps que c’est la loi.
  4. Les choses ne sont que l’idée que tu t’en fais. C’est une des maximes favorites du Stoïcisme ; elle est vraie, à certains égards ; mais elle est excessive. Sans doute, nous exagérons souvent les maux ou les biens par l’idée que nous nous en faisons. Mais les choses ont une nature propre, qu’il ne nous est pas possible de changer. Il est bon de n’y pas céder, par trop d’indulgence pour nous-mêmes ; mais il y a des limites à notre