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LIVRE XII, § XXXI.

avec nos semblables, à nous constituer entre nous, et à ne jamais perdre notre sympathie commune.

XXXI

Que peux-tu chercher encore ? Est-ce à continuer de vivre ? Mais sentir ? Mais vouloir ? Et grandir ? Et diminuer, après avoir grandi ? Et faire usage de la parole ? Et penser ? De toutes ces facultés, quelle est celle qui te semble la plus digne de justifier ton désir ? Mais s’il n’en est pas une que tu ne sois prêt à dédaigner, arrive-s-en donc enfin au terme suprême, qui est d’obéir à la raison et à Dieu[1]. Et quand on adore Dieu et la raison, n’est-ce pas une contradiction flagrante[2] que de se désoler, parce que la mort vient nous ravir l’usage de toutes ces facultés ?

    de la phrase prouve bien qu’il s’agit spécialement de l’âme de l’homme.

  1. Qui est d’obéir à la raison et à Dieu. C’est le but suprême de la vie, et il n’est pas donné à l’homme d’aller plus loin.
  2. Une contradiction flagrante. La réflexion est profondément vraie ; mais, quelle que soit ici l’autorité de la raison, la sensibilité réclame ; et Bossuet, qui pense de la Providence de Dieu tout ce que Marc-Aurèle en pense, et qui est aussi résigné, n’en déplore pas moins la mort d’Henriette d’Angleterre. Le Stoïcisme a raison ; mais qu’il est difficile à notre infirmité de le suivre jusqu’au bout ! Combien y a-t-il de Socrates au moment de la mort !