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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

d’elle sinon qu’elle est une simple fonction de la nature[1] ? Mais pour redouter une fonction naturelle, il faut être un véritable enfant. Bien plus, ce n’est pas même là une simple opération que la nature accomplit ; c’est en outre une opération qui lui est éminemment utile. Comment l’homme entre-t-il en rapport avec Dieu[2] ? Par quelle partie de son être ? Et en quoi cette partie de l’homme doit-elle alors se modifier ?

  1. Une simple fonction de la nature. Le vulgaire peut se plaindre de la mort, comme il se plaint de la vie elle-même. Je ne crois pas qu’on puisse citer un sage qui se soit plaint de l’une ou de l’autre. Mais il est encore plus difficile de les comprendre que de s’y résigner.
  2. Comment l’homme entre-t-il en rapport avec Dieu ? Il est clair d’après toutes les pensées qui précèdent que Marc-Aurèle ne peut songer ici qu’aux suites de la mort. Il ne semble pas avoir le moindre doute sur l’immortalité de l’âme, bien qu’il ne voie pas précisément par quelle partie de son être l’homme peut entrer en communication avec l’être infini, dont il tient tout, son existence, sa grandeur et aussi son infirmité. Bossuet a dit : « C’est donc là mon exercice, c’est là ma vie, c’est là ma perfection et tout ensemble ma béatitude, de connaître et d’aimer celui qui m’a fait. Par là je reconnais que tout néant que je suis moi-même devant Dieu, je suis fait toutefois à son image, puisque je trouve ma perfection et mon bonheur dans le même objet que lui, c’est-à-dire dans lui-même, et dans de semblables opérations, c’est-à-dire en connaissant et en aimant. » Traité de la Connaissance de Dieu et de soi-même, ch. IV, § 10.