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Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Couat.djvu/127

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PENSÉES DE MARC-AURÈLE

dans l’univers ; tout le présent[1] n’est qu’un point dans la durée. Tout est petit, changeant, périssable. Tout vient de là, de ce principe directeur des choses, et en émane directement ou par conséquence. La gueule béante du lion, le poison, tout ce qui est mauvais, comme l’épine ou l’ordure, est l’accompagnement[2] de ce qui est beau et noble. Ne t’imagine pas que ces choses sont étrangères à cet être que tu révères ; réfléchis plutôt qu’il est la source de tout.

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Voir le présent, c’est avoir tout vu, et ce qui est arrivé de toute éternité, et ce qui arrivera jusqu’à l’infini ; toutes choses ont même origine et sont pareilles[3].

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Réfléchis souvent à l’enchaînement de toutes les choses dans l’univers et à leurs rapports réciproques[4]. Elles sont en quelque sorte entrelacées et, par suite, rattachées les unes aux autres par des liens d’amitié, car elles se succèdent sans discontinuité. La cause en est dans la communauté de

  1. [Couat : « tout le temps qui s’est écoulé. » — Il est certain que τὸ ἐνεστὼν (tous les glossaires l’attestent) signifie « le présent ». Est-ce le mot πᾶν qui a embarrassé M. Couat ? À mon sens, on peut dire : « tout le présent » en pensant aux événements innombrables qui s’accomplissent dans l’univers au même instant. — Nous retrouverons à la pensée VII, 29, les mots τὸ ἐνεστών. M. Couat a essayé d’accorder avec elle-même la traduction du même mot dans les deux passages. Il écrit à cet endroit, et le contexte le lui permet presque : « Circonscris le temps à mesure qu’il s’avance. » On observera toutefois que « le temps à mesure qu’il s’avance » ou « s’écoule » ne diffère pas sans doute « du temps qui s’écoule », mais n’est certainement pas « le temps qui s’est écoulé ».]
  2. [Couat : « un produit. » — En grec : ἐπιγέννημα. Cf. toute la pensée III, 2.]
  3. [Var : « ont même origine et même forme. » — Le mot forme est un terme philosophique, dont Marc-Aurèle exprime constamment l’idée par αἰτία (supra IV, 21, note finale). Pour lui, ὁμοειδῆ n’est qu’un mot banal… Nous n’avons pas affaire à Platon.]
  4. [Nous avons un peu plus haut (VI, 14, 1re et 2e notes) nommé et défini les quatre catégories stoïciennes : τὸ ὑποκείμενον, τὸ ποιόν, τὸ πὼς ἔχον et τὸ πρός τί πως ἔχον ; puis montré les rapports étroits qui unissent les notions de l’ἕξεις et de la ποιότης et ont permis la confusion de ces deux mots. En somme, ἕξεις était le nom des qualités essentielles. Le nom de σχέσεις était réservé aux qualités secondes, — à toutes celles qui rentrent dans les deux dernières catégories. C’est ainsi que devant la préposition πρὸς ce mot peut être traduit par « rapports ». C’en est, dans les Pensées, l’acception la plus fréquente. — D’autres fois (VII, 60 ; XI, 2), il s’oppose a κίνησις, et signifie « repos ».]