Aller au contenu

Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Couat.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
163
PENSÉES DE MARC-AURÈLE

honnête homme n’ira jamais se repentir d’avoir négligé le plaisir ; le plaisir n’est donc ni une chose utile ni un bien.

11

Qu’est ceci en soi-même et par sa propre constitution ? Quelle en est la substance et la matière ? Quel en est le principe efficient et formel[1] ? Que fait-il dans le monde ? Combien de temps dure-t-il ?

12

Quand tu as de la peine à te réveiller[2], rappelle-toi qu’il est conforme à ta constitution et à la nature humaine[3] d’accomplir des actes de solidarité. Le sommeil, au contraire, t’est commun avec les êtres sans raison : or ce qui est conforme à la nature de chacun lui est plus propre, plus naturel[4] et, par suite, plus agréable.

13

Ne manque jamais d’examiner chacune de tes représentations[5], autant que possible, au point de vue de la physique, de la morale et de la dialectique[6].

    bien, d’ailleurs le plus important peut-être, en tout cas celui qu’on nomme d’abord, et le plus souvent, puisqu’on a trouvé (Diogène, VII, lix, 98) au moins quatre appellations différentes pour le désigner : συμφέρον, λυσιτελές, χρήσιμον, ὠφέλιμον. Une eût suffi, la dernière, d’autant mieux que la définition qu’on nous donne des trois autres les ramène à celle-là. Pour ne rappeler que celle du mot qu’a choisi Marc-Aurèle en ce passage, le bien est dit χρήσιμον, ὄτι χρείαν ὠφελείας παρέχεται. — En écrivant τὸ δὲ ἀγαθὸν χρήσιμόν τι δεῖ εἶναι, notre auteur n’a donc fait que rapporter une formule consacrée dans l’École, et à laquelle nous n’avons pas à toucher.

    La présente pensée, comme tant d’autres qu’on en peut rapprocher (par exemple, V, 15), implique que la conscience de l’honnête homme est le critérium du bien et de l’utile.]

  1. [Couat : « Quelle en est la substance, la matière, la cause ? » — Cf. IV, 21, note finale. Pour la suite, cf. III, 11, 5e note.]
  2. [Cf. supra V, 1.]
  3. [Cf. supra VI, 44, 4e note.]
  4. [Couat : « plus particulier, plus inné. » — Sur le sens d’οἰκεῖον, cf. supra VI, 19, en note. Pour la traduction de προσφυέστερον, je me suis d’autant moins soucié de dissimuler la tautologie apparente qui est déjà dans le texte grec, que le français donne volontiers au mot « naturel » le sens de « facile », et que par là le troisième adjectif : « plus agréable, » s’expliquera aisément.]
  5. [Couat : « idées. »]
  6. [Ce sont les trois divisions de la philosophie pour les Stoïciens. Les fondateurs de l’École, Zénon et Chrysippe, les rangeaient, au rapport de Diogène Laërce (VII, xxxiii, 39) dans un ordre différent, commençant par la logique pour finir par la morale. D’autres (ibid., 40) disaient que la logique est le squelette ou le système nerveux d’un vivant, dont l’éthique serait les chairs, et la physique l’âme ; ou bien, la coque d’un œuf, dont l’éthique serait le blanc, et la physique le jaune. Ces métaphores indiquent une distribution différente, qui est celle d’Apollodore. D’autres,