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Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Couat.djvu/173

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169
PENSÉES DE MARC-AURÈLE

28

Ou la douleur est un mal pour le corps, et c’est à lui de le proclamer[1] ; ou elle en est un pour l’âme. Mais l’âme a le pouvoir de conserver sa sérénité et son calme en ne jugeant pas que la douleur est un mal. En effet, tout jugement, toute tendance, tout désir, toute aversion est en nous ; ainsi il ne peut venir du dehors jusqu’à nous aucun mal[2].

29

Efface les idées qui se présentent à toi, en te disant sans cesse : il dépend de moi que mon âme n’ait ni méchanceté, ni désir, ni rien qui la trouble. Je n’ai qu’à considérer toute chose en elle-même, et à faire de chacune le cas qu’elle mérite. Rappelle-toi que la nature t’a donné ce pouvoir.

30

Si tu adresses la parole au Sénat ou à qui que ce soit, fais-le avec modestie et netteté[3], parle un langage sain.

31

La cour d’Auguste, sa femme, sa fille, ses petits-fils, ses descendants, sa sœur, Agrippa, ses parents, ses proches, ses amis, Aréos[4], Mécène, ses médecins, ses sacrificateurs, enfin tout ce qui composait cette cour est mort. Considérant maintenant[5] d’autres groupes, par exemple celui des Pompéiens, pense non à chaque mort individuelle, mais à l’inscription qu’on lit sur les tombeaux : le dernier de sa race ; réfléchis aux efforts qu’ont faits ceux qui venaient avant ceux-ci

  1. [Cf. supra VII, 14 ; VII, 16 ; VII, 33, etc.]
  2. [Cf. supra V, 19, et la note, rectifiée aux Addenda.]
  3. Il m’est impossible de comprendre cette phrase en conservant la leçon μὴ. Ce mot signifie clairement, et il est inadmissible que Marc-Aurèle se recommande à lui-même de ne pas parler avec clarté. En admettant même que περιτράνως signifie parfois « avec une élégance affectée », et que ce mot soit opposé à ὑγιεῖ λόγῳ, la construction grecque exigerait ὑγιεῖ δέ. Le plus simple est donc de supprimer la négation μή, où est toute la difficulté, et de la remplacer par καί.
  4. [Le philosophe d’Auguste (Sénèque, ad Marciam, 4, sqq).]
  5. εἶτα ἔπιθι… Πομπηΐον. Il manque probablement quelque chose à cette phrase dont le sens se devine, mais dont la construction est incorrecte.