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pas immédiatement ou de loin à cette fin commune est dans ta vie un élément de discorde et de sédition ; elle en rompt l’unité, de même que dans un peuple l’homme qui, pour sa part, s’écarte de l’unanime accord des volontés.

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Colères et jeux d’enfants, petites âmes portant des cadavres[1], cela ne fait-il pas assez bien comprendre l’évocation des morts [dans l’Odyssée][2] ?

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[Va droit[3] à la détermination du principe efficient et formel.

  1. [Nous savons par Marc-Aurèle lui-même (IV, 41) que ces mots sont une citation d’Épictète.]
  2. J’ai conservé le texte et le sens généralement adoptés, mais sans les trouver satisfaisants. — [Var. : « La vie humaine ne montre que colères et jeux d’enfants, petites âmes portant des cadavres, comme pour confirmer l’exactitude des peintures de la Nékuia. »]
  3. [Dans le premier manuscrit de M. Couat, cette pensée est ainsi traduite : « Examine la qualité de la forme en la séparant de la matière ; puis détermine le temps que peut durer ce qui a cette qualité particulière. » Ensuite, une rature a couvert ces lignes, qui n’ont pas été remplacées dans le second manuscrit. — M. Couat s’est arrêté devant les mots τὴν ποιὀτητα τοῦ αἰτίου, dans lesquels il s’est refusé à voir une tautologie, mais dont il n’a pas eu le temps de découvrir le rapport. Ce n’est pas du seul texte des Pensées qu’il l’eût pu déduire : le nom de la ποιότης n’y reparaît plus qu’une fois, et en compagnie des mots ἡ ἀξία, « la valeur » (VI, 3). Ils témoignent que l’acception de ποιότης, en cet autre passage, est tout abstraite. Par contre, on trouvera, en dehors des Pensées, certaine explication matérialiste de la « détermination » ou « qualité », qui semble pouvoir définir aussi bien le « principe efficient » ou la « forme ». C’est celle que rapporte Plutarque (de Stoïc. repugn., 43), et que j’ai traduite dans une note antérieure : τὰς δὲ ποιότητας πνεύματα οὔσας καὶ τόνους ἀερώδεις, οἱς ἂν ἐγγένωνται μέρεσι τῆς ὕλης εἰδοποιεῖν ἕκαστα καὶ σχμηματίζειν (supra, page 110 ; voir la partie de la note rectifiée aux Addenda).

    J’ai déjà indiqué incidemment (supra IV, 14, note 2) la différence que je croyais apercevoir entre la ποιότης et l’αἴτιον. Je dois ici préciser et justifier cette doctrine, en l’appuyant, autant que possible, sur le témoignage même de Marc-Aurèle, et, à défaut de celui-ci, sur des textes qui ont été déjà cités au cours de ces notes et confrontés avec les Pensées. Je n’en ajouterai que deux, empruntés au même auteur. L’un est une définition de la ποιότης, celle qu’on peut considérer comme la plus précise et la plus exacte, et dont les autres, et en particulier celle que je rappelais tout à l’heure, ne seront que les corollaires. Elle paraît distinguer nettement les notions de la « détermination » et du « principe efficient et formel », sans pourtant les opposer comme irréductibles entre elles ; les définitions par corollaire dont il vient d’être question sortiront en effet de la conciliation de ces deux concepts :

    Οἱ δὲ στωϊκοὶ τὸ κοινὸν τῆς ποιότητος τὸ ἐπὶ τῶν σωμάτων λέγουσι διαφορὰν εἶναι οὐσίας οὐκ ἀποδιαλήπτην καθ΄ αὐτήν, ἀλλλ΄ εἰς ἓν νόημα καὶ ἰδιότητα ἀπολήγουσαν, οὔτε χρόνῳ οὔτε ἰσχύϊ εἰδοποιουμένην, ἀλλὰ τῇ ἐξ αὐτῆς τοιουτότητι καθ΄ ἣν ποιοῦ ὑφίσταται γένεσις (Scholia in Aristotelem, dans Brandis, t. IV, p. 69 a, ligne 30).

    J’ai dû, avant de l’interpréter, transcrire en entier ce long texte grec, à cause de l’abondance des termes abstraits qui s’y trouvent, et dont je ne pouvais donner qu’une traduction approchée. « Les Stoïciens, dit Simplicius dans son commentaire