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PENSÉES DE MARC-AURÈLE

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Tu peux supprimer nombre de causes vaines de trouble qui n’existent que dans ton jugement[1]. Tu te mettras largement à l’aise en embrassant par la pensée le monde entier, en réfléchissant à la durée éternelle, aux transformations rapides de toutes choses, en toutes leurs parties, en voyant combien est court le temps qui sépare, pour chaque être, la naissance de la dissolution, tandis que le temps antérieur à la naissance est infini, et sans terme également[2] celui qui suivra la dissolution.

33

Toutes les choses que tu vois périront bientôt et ceux qui les auront vues périr périront bientôt à leur tour. L’homme mort à l’extrême vieillesse en sera au même point que celui dont la mort aura été prématurée.

34

Que sont les âmes[3] de ces hommes ? De quoi se préoccupent-ils ? Quels sont les mobiles de leur amitié et de leur estime ? Suppose que tu vois leurs âmes toutes nues. Ils croient nuire par leurs blâmes ou se rendre utiles[4] par leurs louanges. Quelle présomption !

35

La perte de la vie n’est qu’une transformation. Ces transformations plaisent à la nature universelle dont la sagesse a fait naître toutes les choses, les a fait naître de toute éternité suivant le même type et ne cessera d’en produire de semblables à l’infini. Que dis-tu donc ? Que tout a été et sera toujours mal, et que parmi tant de Dieux il ne s’en est pas trouvé un qui eût la puissance d’y remédier, et que le monde est condamné à une suite indéfinie de misères !

  1. [Couat : « ta pensée. » — Cf. supra, IV, 7 ; VIII, 40, etc.]
  2. [Cf. supra V, 23, note 3.]
  3. [Couat : « les consciences. »]
  4. [Couat : « ou rendre service. » — Sur le sens du verbe ὠφελεῖν, cf. les notes aux pensées VII, 74, et IX, 12.]