Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Couat.djvu/242

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mais avec tendresse, d’une âme qui ne soit point ulcérée ; ne parle pas non plus comme à l’école, ni pour être admiré par l’assistance, mais comme s’il était seul, même quand il y aurait quelques témoins.

Retiens ces neuf commandements essentiels comme des présents que tu aurais reçus des Muses ; commence, enfin, pendant que tu vis, à être un homme. Il faut se garder, d’ailleurs, de les flatter aussi bien que de s’irriter contre eux ; dans les deux cas, on agit contrairement au bien de la société et on est conduit à faire du mal. Dans tes accès de colère, rappelle-toi qu’il n’est pas digne d’un homme de s’emporter ; la douceur et le calme sont des vertus à la fois plus humaines et plus viriles. C’est celui qui les possède qui a réellement de l’énergie, de la vigueur et du courage ; non celui qui s’indigne et qui s’impatiente. On a d’autant plus de force qu’on est plus impassible. La colère est, comme le chagrin, un signe de faiblesse. Dans les deux cas, on est blessé et l’on capitule.

Si tu le veux, reçois encore un dixième présent du Musagète. Demander que les méchants ne fassent point de mal est une folie ; c’est demander l’impossible. Mais leur permettre d’être méchants pour les autres et vouloir qu’ils ne le soient pas pour nous, c’est de la déraison et de la tyrannie.

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Il y a quatre orientations de ton principe directeur dont tu dois toujours te garder avec une attention particulière. Dès que tu surprends ces erreurs, il faut les effacer en te disant, à


i. [àW/ îytoi npô; |iôvov, xai èàv aXXoi Tivé; nepieim)xioai. On considère, en général, cette phrase comme inachevée, ou plutôt la fin de cette phrase comme perdue, parce que, chez Marc-Aurèle, T|toi a le sens de aut, c’est-à-dire introduit la première de deux alternatives, dont la seconde sera annoncée par 5^. — Une correction extrêmement légère, puisqu’elle ne porte que sur deux accents, me paraît permettre de donner au texte grec le sens que lui attribuent la traduction de M. Couat et celle de Renan (l. I.), et qui est tout à fait satisfaisant. Au lieu d’i)Toi, j’ai lu T) Toi (en deux mots).]

2. [Cf. Sénèque, De Ira, III, 43 : « Humanitatem colamus,dum inter homint sumus.»

3. [Couat: «de flatter les hommes.»]

4. [Cf. supra V, 17.]

5. [Var. : « tendances. » — Cf. supra VII, 16, note 2.]

6. [Couat : « ta conscience. »]

7. [Même recommandation, dans les mêmes termes, supra XI, 16. — Couat: « Dès que tu les surprends, il faut t’en débarrasser. »]