Page:Pere De Smet.djvu/164

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reviendrais au printemps suivant, avec un renfort de plusieurs missionnaires.

» Je fis les prières du matin au milieu des pleurs et des sanglots de ces bons sauvages. Ils m’arrachaient malgré moi des larmes que j’aurais voulu réprimer à un pareil moment. Je leur fis comprendre la nécessité de mon départ ; je les excitai à servir toujours le Grand-Esprit avec ferveur, et à éloigner d’eux tout sujet de scandale ; je leur rappelai les principales vérités de notre sainte religion. Je leur donnai ensuite pour chef spirituel un Indien fort intelligent, que j’avais eu soin d’instruire moi-même d’une manière particulière. Il devait me remplacer pendant mon absence, les réunir soir et matin, ainsi que les dimanches, réciter avec eux les prières, les exhorter à la vertu, ondoyer les moribonds, et, en cas de besoin, les petits enfants. Il n’y eut qu’une seule voix pour promettre d’observer tout ce que je leur recommandais.

» Tous, les larmes aux yeux, me souhaitaient un heureux voyage. Le vieux Grand-Visage se leva et dit :

— Robe-Noire, que le Grand-Esprit vous accompagne dans votre long et dangereux voyage. Soir et matin, nous formerons des vœux, afin que vous arriviez sain et sauf parmi vos frères à Saint-Louis. Nous continuerons à former ces vœux jusqu’à votre retour parmi vos enfants des Montagnes. Lorsque, après l’hiver, les neiges disparaîtront des vallées, lorsque la verdure commencera à renaître, nos cœurs, en ce moment si tristes, commenceront à se réjouir. À mesure que croîtra le gazon, notre joie deviendra plus grande. Et lorsque les plantes fleuriront, nous nous remettrons en route pour aller à votre rencontre. Adieu ! Robe-Noire, adieu » ![1]

  1. Relation citée.