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Au moment d’entrer dans le pays des Pieds-Noirs, le P. De Smet, n’osant davantage exposer les Têtes-Plates qui l’ont protégé, se décide à renvoyer son escorte.

Seul désormais, avec son fidèle Flamand, il poursuit, pendant plusieurs centaines de milles, un des plus périlleux voyages qu’explorateur ait jamais entrepris. Pas de chemin tracé, pas d’autre guide que la boussole. À chaque pas, les traces récentes de l’ours gris, l’animal le plus terrible du désert. En maint endroit, des forts construits par des tribus en guerre, derrière lesquels, peut-être, l’ennemi est embusqué.

« Un matin, écrit le missionnaire, j’aperçus en m’éveillant, à la distance d’un quart de mille, la fumée d’un grand feu. C’était un détachement sauvage. Nous n’en étions séparés que par une pointe de rocher. Sans perdre de temps, nous sellâmes nos chevaux et partîmes au grand galop… Nous fîmes, ce jour-là, de quarante à cinquante milles sans nous arrêter, et nous ne campâmes que deux heures après le coucher du soleil, de crainte que les sauvages, ayant rencontré nos traces, ne nous poursuivissent. N’osant allumer du feu, il fallut se passer de souper. Je me roulai dans ma couverture et m’étendis sur le gazon, en me recommandant à Dieu. Mon grenadier, plus brave que moi, ronfla bientôt comme une machine à vapeur en plein mouvement, passant par toutes les notes d’une gamme chromatique, et terminant par un profond soupir, en guise d’accord, chacun des tons sur lesquels il préludait. Quant à moi, j’eus beau me tourner de droite à gauche, je passai ce qu’on appelle une nuit blanche.

    lui était servi ; toutefois, on pouvait se débarrasser de son plat en l’avançant à un autre convive, avec un présent de tabac ». (Ibid.)