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Page:Pergameni - La Satire au XVIe siècle et les Tragiques d’Agrippa d’Aubigné, 1882.djvu/54

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Hugo ! Ne sont-ce pas des expressions cornéliennes que vendanger les esprits des rois, ces petits dieux enflés, cet hémistiche : vous y serez compris, et ce dernier vers splendide : avoir eu part à l’ombre, avoir part au danger ? Ne retrouvons-nous pas le coloris et les harmonies des romantiques, dans ce dais qui changeait les grêles en rosées, la Heur qui craint le vent, V éclat d’un foudre qui vient renverser à plat, la reposée du cerf ?

IV

Après avoir décrit les Misères de la France, les turpitudes des Princes qui la gouvernent, d’Aubigné s’occupe de la justice qui sert de trait d’union entre la royauté et le pays, de la Chambre dorée, dont les arrêts sanglants permettent aux tyrans de torturer la nation.

Le livre débute par une allégorie qu’on a comparée avec raison à celle des Prières dans Homère, celle de la Justice qui se rend, pantelante, meurtrie et déchirée, auprès du trône de Dieu, pour se plaindre des injures qu’elle reçoit sur la terre.

Remets ta fille, ô Dieu, en ton propre héritage !

s’écrie-t-elle ; et la blanche Pitié, la Paix, les anges joignent leurs supplications aux siennes. Le feu ne cesse de consumer les martyrs, disent-ils,

Et nous sommes lassés d’en boire la fumée.

La colère de Dieu s’émeut au récit de tant d’horreurs ; l’inspiration du poète grandit, son vers prend tout à coup une ampleur, un élan rythmique, une sublimité qui rappellent les accents des prophètes :

Dieu se lève en courroux, et au travers des deux
Perça, passa son chef. A l’éclair de ses yeux
Les cieux se sont fendus, tremblants, suants de crainte,
Les hauts monts ont croulé…

… Le Tout-Puissant plana sur le haut de la nue
Longtemps, jetant le feu et l’ire de sa vue
Sur la terre…