Page:Pergaud-Le Roman de Miraut, 1913.djvu/13

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meubles, et la femme, brandissant son flambeau devant la caisse historiée de la grande horloge comtoise qui battait dans un coin son tic tac régulier, ne put s’empêcher de dire tout haut, bien qu’elle fût seule :

— Huit heures ! grand Dieu ! et il n’est pas là ! Le goûilland[1] !… Je gagerais qu’il s’est saoulé ! Pourvu qu’il ne soit pas arrivé malheur au petit cochon !

Elle se tut un instant, ruminant encore, cherchant les causes de ce retard, s’arrêtant aux suspicions fâcheuses :

— S’il s’est mis à boire en arrivant là-bas, avant d’avoir fait le marché, je le connais, il est bien capable de laper complètement les sous et de rien acheter du tout.

Ah ! j’aurais bien dû aller avec lui !

Pourvu qu’il ne fasse pas d’autres bêtises ! Un homme plein, ça fait n’importe quoi ! S’il s’était battu, des fois, et que les gendarmes l’aient ramassé ! Qu’est-ce que deviendrait le petit cochon ?

Avec ça qu’il est déjà si bien vu depuis son dernier procès-verbal !

Je lui ai toujours dit aussi qu’avec sa sacrée sale chasse, il arriverait bien un jour ou l’autre

  1. Goûilland : débauché et ivrogne.