Page:Pergaud-Le Roman de Miraut, 1913.djvu/219

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dans un village qu’il lui sembla reconnaître pour y être déjà venu avec Lisée et pour ce qu’il y avait une rivière à traverser.

Craignant l’eau très froide en cette saison, croyant pouvoir se lier à l’ombre croissante pour franchir sans encombre cette agglomération mal connue et peut-être dangereuse de maisons et d’humains, il s’engagea dans la rue principale et, longeant les murs, se rasant autant que possible, s’avança rapide, inquiet et prudent, afin de gagner promptement le petit pont de pierre et passer l’eau ainsi sans se mouiller les pattes.

Il allait toucher au but lorsqu’une clameur d’enfants qui jouaient et se poursuivaient en venant à sa rencontre l’arrêta et le contraignit à se dissimuler quelques minutes derrière un fumier qui se trouvait à proximité.

C’était l’heure de la sortie de la prière : quelques femmes pressées passèrent vivement avec leur coiffe, leur caule, noire ou blanche sur la tête et leur paroissien à la main ; puis ce furent les gosses qui arrivèrent sur le pont et s’amusèrent à lancer des cailloux pour faire des ricochets dans l’eau.

L’un d’eux, tout à coup, s’écria : il venait d’apercevoir Miraut qui les épiait tendant le cou prudemment, hésitant, crotté, hérissé, affamé, efflanqué, misérable à la fois et lugubre.