Page:Pergaud - De Goupil à Margot, 1910.djvu/21

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oreilles du captif. Le sentiment de la réalité rentra dans son cerveau comme un coup de dent dans le ventre d’un lièvre, et, résigné, il s’affermit sur les jarrets dans la position la plus commode pour rêver, pour jeûner et pour attendre. Et là, devant lui, hantise affolante, ironique défi à sa patience, le piège se dressait.

C’était un rudimentaire trébuchet inventé par Lisée : deux montants comme les bois d’un échafaud supportaient un plateau de chêne, qui semblait les prolonger. Mais, grâce à un ingénieux mécanisme, quand un intrus s’engageait dans ce passage fatal, le plateau de chêne affilé sur les côtés, traitreusement glissait comme un couperet par une rainure ménagée dans les montants et lui brisait les reins.

Alors, excité par la faim, le cerveau de Goupil revécut le voluptueux souvenir des lippées franches, évoqua les images d’orgies de chair et de sang, pour retomber plus modeste aux nourritures frugales des jours d’hiver, aux taupes crevées dévorées au bord des chemins, aux baies rouges glanées aux buissons dépouillés, aux pom-