Page:Pergaud - De Goupil à Margot, 1910.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La ténèbre était opaque. Rien ne troublait le bourdonnement du dégel. Un soudain déclic de métal faucha comme un andain de silence, et un hurlement qui ne tenait plus de la vie sembla jaillir du néant et déborder dans l’espace comme une cataracte d’horreur crevant les vannes de la nuit… La bête était prise…

Née d’amours fugitives à l’avant-dernier printemps, Fuseline, la petite fouine à la robe gris-brun, au jabot de neige, était, ce jour-là, comme à l’ordinaire, venue de la lisière du bois de hêtres et de charmes où, dans la fourche par le temps creusée d’un vieux poirier moussu, elle avait pris ses quartiers d’hiver.

Depuis que la neige avait fait fuir au loin, en triangulaires caravanes, les migrateurs ailés, elle avait vu ses ressources baisser rapidement, et, pour apaiser sa soif inextinguible de sang, elle avait dû, comme ses sœurs en rapine,