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la guerre des boutons


imminent et qui grandissait de seconde en seconde, tourna bride d’un seul coup et plus vite encore qu’elle n’était venue, à enjambées doubles, affolée littéralement, fila vers sa lisière protectrice sans qu’un seul parmi les fuyards osât seulement tourner la tête.

Lebrac, en avant toujours, brandissait son sabre ; ses grands bras nus gesticulaient ; ses jambes nerveuses faisaient des bonds de deux mètres, et toute son armée, libre de toute entrave, heureuse de se réchauffer, accourant d’une folle allure, tâtait déjà de la pointe de ses épieux et de ses lances les côtes des ennemis qui arrivaient enfin à la grande tranchée. On allait en chauffer.

Mais la fuite des Velrans ne s’arrêta point pour si peu. Le mur d’enceinte était là, avec le taillis derrière, clairsemé à la lisière pour s’épaissir après par degrés. La troupe en déroute de l’Aztec des Gués ne perdit pas son temps à chercher à passer à la queue leu leu dans la grande tranchée. Les premiers la prirent, mais les derniers n’hésitèrent point à bondir en plein taillis et à se frayer, des pieds et des mains et coûte que coûte, un chemin de retraite.

La tenue simplifiée des Longevernes ne leur permettait malheureusement pas de continuer la poursuite dans les ronces et les épines et, du mur de la forêt, ils virent leurs ennemis fuyant, lâchant leurs bâtons, perdant leurs casquettes, semant leurs