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la guerre des boutons


chemin durci était déjà une fière menace pour les Velrans.

Ils se récriaient, s’attendaient, se rappelaient, se bousculaient, se chipotaient, s’excitaient, tels des chiens de chasse, longtemps tenus à l’attache, qu’on mène enfin courir le lièvre ou le goupil, se mordillent les oreilles et les jambes pour se féliciter réciproquement et se témoigner leur joie.

C’était vraiment un enthousiasme entraînant que le leur. Derrière leur élan vers la Saute, derrière leur joie en marche, comme à la suite d’une musique guerrière, toute la vie jeune et saine du village semblait happée et emportée : les petites filles timides et rougissantes les suivirent jusqu’au gros tilleul, n’osant aller plus loin, les chiens couraient sur leur flanc en gambadant et en jappant, les chats eux-mêmes, les prudents matous, s’avançaient sur les murs d’enclos avec une vague idée de les suivre, les gens sur le seuil des portes les interrogeaient du regard. Ils répondaient en riant qu’ils allaient s’amuser, mais à quel jeu !

Lebrac, dès la Carrière à Pepiot, canalisa l’enthousiasme en invitant ses guerriers à bourrer leurs poches de cailloux.

– Faudra n’en garder sur soi qu’une demi-douzaine, dit-il, et poser le reste à terre sitôt qu’on sera arrivé, car, pour pousser la charge, il ne s’agit pas de peser comme des sacs de farine.