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la guerre des boutons


ceignit les reins du chef d’une ficelle et lui recommanda de filer dare-dare et surtout de ne pas se faire voir.

Et tandis que l’Aztec, rasant les murs et les haies, filait comme un chevreuil vers son logis pour y conquérir un autre pantalon, lui, Touegueule, caché dans le fossé du bois, regardait de tous ses yeux et dans toutes les directions pour voir si l’expédition avait quelque chance de réussir.

L’Aztec atteignit son gîte, escalada sa fenêtre, trouva un pantalon à peu près semblable à celui qu’il avait perdu, des bretelles usagées, une vieille blouse, arracha les cordons de ses souliers du dimanche, puis, sans perdre le temps de se remettre en tenue, ressauta dans le verger et, par le même chemin qu’il était venu, s’en fut à toute bride rejoindre son héroïque compagnon accroupi, grelottant derrière son mur et serrant autant qu’il le pouvait sa mince chemise de toile rude sur ses cuisses rougies.

Ils eurent en se revoyant un large rire silencieux comme en ont les bons Peaux-Rouges dans les romans de Fenimore Cooper et, sans perdre une minute, ils échangèrent leurs vêtements.

Quand tous deux eurent réintégré leurs pelures personnelles, l’Aztec, ayant enfin une chemise à boutons, une blouse propre et des cordons à ses souliers, jeta un regard inquiet et mélancolique sur ses habits en lambeaux.