Page:Pernette du Guillet - Rymes, Tournes, 1545.djvu/80

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Que mortel suis ennemy de moymesmes :
Et ne puis, las, & ne puis vouloir bien,
Ne voulant celle, en qui gist l’espoir mien :
Et ne puis rien fors ce, que veult la dame
De qui suis serf de cueur, de corps, & d’ame.
Estre ne peult mon mal tant lamenté,
Que de plus grand ne soye tourmenté :
Et ne pourrais monstrer si grand douleur,
Qu’encor plus grand ne celast mon malheur.
Las je ne suis prisonnier, ny delivre :
Et ne me tient en espoir, ny delivre
Mon bien servir, qui de mort prent envie.
Je ne suis mort, ny je ne suis en vie,
Me contraignant a plaindre mon mal aise :
Et raison veult toutes fois que me taise
Pour n’offencer ce, que servir desire,
Qui mon vouloir en mille partz dessire.
L’ame congnoit, que de si tres bas lieux,
Dont mes grandz pleurs montent jusques aux yeulx,
Jamais les voix ne peuvent estre ouyes,
Ny en haulteur si grande resjouyes :
Car ce mien feu, qui peu a peu me fond,
Est dens mon cueur allumé si profond,
Qu’il ne peult pas, bien qu’il soit grand, reluire
Devant les yeulx, qui pour mal me conduire