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Page:Pernety - Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure, 1757.djvu/240

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COCO

ou telle façon, l’idée de telle ou telle couleur ſe préſente à l’eſprit : ainſi tous ceux qui ſont ſuſceptibles de cette impreſſion des rayons de lumiere, voyent le même objet, quand il eſt préſent à leurs yeux ; mais tous ne recevant pas également la même impreſſion, tous ne doivent pas voir l’objet teint de la même couleur. Ceux qui ont la jauniſſe voyent en tout des nuances de jaune. Ne peut-il pas arriver que la nature ou quelque diſpoſition du tempérarement, ayent diſpoſé les organes de quelques-uns, comme le ſont ceux des perſonnes affectés de quelque maladie ? Si le même objet faiſoit, quant aux couleurs, la même impreſſion ſur tous les hommes, la même couleur plairoit ſans doute également à tous : mais l’un aime le rouge, l’autre le bleu, celui-ci le vert, celui-là le jaune ; ce qui prouve la force ou la foibleſſe des fibres des uns & des autres, puiſque l’éclat & la vivacité flattent la vûe de celui-là, pendant que celui-ci ne ſe plaît qu’à voir des couleurs douces.

Cette différence de force dans les fibres, donne encore lieu à une obſervation qui n’eſt pas moins eſſentielle. Un homme dont les fibres ſont délicats, recevra l’impreſſion d’un fort beau rouge, d’un rouge éclatant, pendant que celui dont les organes ſeront moins ſuſceptibles d’une impreſſion auſſi vive, ne verra peut-être l’objet que teint de couleur de roſe, ou d’un rouge moins vif que le premier. Ne pourroit-on pas pouſſer les choſes encore au-delà ? Qui ſçait ſi les organes d’un homme ne recevront pas les impreſſions du verd, par la réflexion des mêmes rayons qui font ſur les organes d’un autre l’impreſſion du bleu, parce qu’il les a conſtituées de maniere à en recevoir une ſenſation plus ou moins vive ? Les préjugés de l’éducation influent beaucoup ſur les jugemens que nous portons à l’occaſion des ſens.

Quoiqu’il en ſoit, il y a des couleurs & des corps colorés. Les corps réfléchiſſent plus de rayons, & leur couleur eſt plus vive à proportion qu’ils participent du blanc. Le noir les abſorbe tous ; & moins une couleur réfléchit de rayons, plus elle approche du noir.

C’eſt ſur ces principes, qu’on doit juger un Peintre ſur ſon coloris, quand il eſt