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LA PARCELLE 32

plus souvent, des quichenotes blanches dont les bavolets battaient aux souffles de l’air.

Les grandes chaleurs n’étant pas encore venues, il faisait bon travailler dans la plaine. Les jours où elle était seule avec son père et son neveu, Éveline se trouvait mieux qu’à la maison. Elle travaillait selon sa force, sans se presser ; il lui semblait que son chagrin allait s’endormant, que son cœur, trop serré, s’élargissait.

Mais, au contraire, travailler à côté d’Honoré réveillait sa peine. Non point que le gars fût hardi et d’intentions directes ! Il était poli, prévenant, d’humeur égale, vraiment fin joueur. Mais enfin Éveline le voyait venir tout de même et elle se révoltait. Pourquoi était-il à la Marnière sachant ce qu’il savait ? Pourquoi l’attendait-il derrière les autres, pour marcher à côté d’elle ? Pourquoi voulait-il porter son outil, le soir, en revenant ?

Parfois, en plein travail, Mazureau les quittait pour s’en aller commencer un autre chantier, avec Bernard.

Éveline se sentait encore une fois enfermée petit à petit, un peu plus étroitement chaque jour. N’osant pas aller à la Baillargère elle ne voyait plus Marie et se sentait faible, sans appui, seule avec son chagrin et son angoisse.

Une mauvaise journée pour elle fut le premier mardi du mois de juin. Elle était à travailler dans le champs de betteraves aux Brûlons. Il y avait là une cinquantaine de sillons sur lesquels les jeunes plants en poquets mettaient leurs petites taches vertes. Il fallait éclaircir les betteraves et biner tout autour. Petite besogne aisée, mais pour laquelle il faut se baisser et gratter la terre avec ses