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LA PARCELLE 32

jalousie qui me fait parler ainsi, vous le savez bien ; j’ai pour vous autant de pitié que j’ai d’amour. Je voudrais vous voir sourire… Souriez et je m’en irai content.

— Je ne peux pas, dit-elle dans un souffle.

— Je vous regarde, Éveline, autant que je le peux… Chaque matin, lorsque j’arrive chez vous, je vous regarde et, pendant le jour, lorsque vous traversez le courtil, lorsque vous marchez dans la maison, je suis tous vos gestes en un bonheur d’adoration… Je voudrais, le soir, lorsque mon regard une dernière fois appuie sur vous, je voudrais pouvoir me dire en m’en allant : elle dormira mieux que moi, d’un bon sommeil sans rêves… Mais si je ne dors guère, il me semble que vous ne dormez pas du tout.

Elle ne répondit pas et il continua à voix caressante où sonnait un affectueux reproche :

— Vous ne dormez pas…, vos yeux chaque matin me le disent. Je suis bien obligé de voir que vous ne mangez pas non plus… Vous êtes souffrante et vous le voulez bien. Avez-vous fait le projet que nous vous portions en terre, Éveline ?

Elle devint soudain plus pâle encore et ses yeux se posèrent furtivement sur Honoré…, des yeux aux pupilles dilatées où l’inquiétude rôdait, les yeux d’une biche soupçonnant la venue des traqueurs.

Lui, insistait doucement.

— Il faut vivre, voyons ! Votre mauvaise mine fait le chagrin des vôtres et il fait aussi le mien.

Elle le regarda encore et, cette fois, le sang lui sauta aux joues. Ce fut toute rose qu’elle répondit :

— Vous avez grand tort de prendre souci de ma santé ; je me porte fort bien.