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LA PARCELLE 32

grand émoi du jour et un émoi qui ne s’apaiserait pas vite.

La question du lait était oubliée ; des mots couraient, toujours les mêmes : papiers d’État…, six du cent…, placement sûr… Car personne évidemment ne songeait à acheter ! Personne ! à l’exception de Zacharie et de Sicot, c’est-à-dire à l’exception d’un fou et d’un vantard…

Le président Dabin frappa enfin sur l’estrade à grands coups de sabots.

C’était un vieux tout rond, rouge de visage et le poil dru.

— La séance est ouverte, cria-t-il ; qui demande la parole ?

Alors, un grand bonhomme maigre leva le bras.

— Je demande la parole.

— Monte à la tribune, dit le président.

Le vieux monta sur l’estrade où était déjà le Conseil d’administration. Des rires coururent.

— C’est Menon !… Ah ! si c’est Menon !…

Menon demandait toujours la parole. Autrefois, avant la guerre, quand on avait le goût de s’amuser on le laissait parler deux heures d’affilée. Aujourd’hui, ce n’était pas bien le moment ; d’ailleurs le temps manquait. Il parla pourtant.

Dans la salle, les discussions avaient recommencé. Le président lui-même était aux prises avec son Conseil d’administration, non point sur la question assurance-bovins, mais sur le prix de revient d’une boisselée et les frais d’acte.

Pour se faire entendre, Menon parla avec véhémence. Rouge, le poing tendu, il posait d’âpres questions :