Page:Perochon - La Parcelle 32.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
243
LA PARCELLE 32

jour on l’envoya avec des Annamites décharger des obus, dans une gare du front. Le métier était dur et les ouvriers peu considérés. Il ressentit pourtant quelque orgueil d’être si loin de Fougeray, Et, bien qu’il eût à sa disposition de l’encre et du papier portant en tête le nom de l’hôtel où il dînait chaque soir, il envoya le bonjour à Éveline par une méchante carte écrite au crayon ; et il mit pour commencer : « Zone des armées. »

Mazureau était assuré contre l’incendie, mais seulement pour les bâtiments ; et encore pour une somme bien inférieure à leur valeur actuelle ! La compagnie, assurément, ne paierait rien. Au lieu de recevoir le prix du grain, les six mille francs tant espérés, il faudrait acheter de la paille et du foin.

Ce fut un coup terrible. Pour la première fois de sa vie, Mazureau se sentit ébranlé, touché dans ses fibres secrètes, blessé, peut-être inguérissablement.

Il fit effort pour n’en laisser rien voir. Si l’espoir vacillait en lui, du moins l’orgueil le redressait toujours.

Il ne perdit pas un jour de travail. Un voisin ayant offert de lui prêter de la paille, il refusa hautement ; il acheta la paille et ne marchanda point.

Quand de bonnes gens le voulaient plaindre, il changeait la conversation. Il parlait de la guerre maintenant, et se réjouissait des grandes nouvelles qui venaient enfin par les journaux. Il inventait des supplices pour Guillaume. Il avait appris le nom du général français et il disait :