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LA PARCELLE 32

Ici, Éveline rougit brusquement à cause des mots qui suivaient. Il avait toujours eu, ce Maurice, des façons de dire un peu hardies. Dans son nouveau langage de soldat, cela sonnait mal ; Éveline ne s’y habituait pas. La lettre, d’ailleurs, tournait court, finissait sur cette note insolite et choquante.

Cependant il avait ajouté quelques lignes en travers de la page.

Tu dis que vous ne pourrez jamais suffire à votre travail cet été. Eh bien ! voici la manœuvre : que ton père vende un ou deux champs et qu’il place l’argent à l’État. Si nous nous marions, quand je serai revenu de la guerre, qui peut savoir ce que nous ferons ?

« Si nous nous marions », disait-il ; ce n’était pas tout à fait ainsi qu’il eût fallu parler… Mais enfin, il n’était pas un coureur de filles puisqu’il songeait tendrement à elle et puisqu’il s’inquiétait de ce qu’ils feraient plus tard, quand serait revenue la douceur de vivre.

Qu’importait après cela qu’il fût un peu brusque en ses propos ! Et Éveline lui pardonnait aussi cet affreux silence de quinze jours qui l’avait tant angoissée.

Elle se remit à sa toilette ; son regard redevint clair et elle sourit à son image en tordant l’opulente masse de ses cheveux.

C’est qu’elle était jolie malgré son hâle. Si ses mains étaient un peu rouges et gercées, ses bras formaient, au-dessus de sa tête, une courbe adorablement pure.

Grande et mince, elle gardait un air d’extrême jeunesse malgré ses vingt-cinq ans sonnés. Le sang vivace des Mazureau coulait sous sa peau délicate,