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LA PARCELLE 32

Honoré, justement, continuait :

— Peut-être suis-je venu trop tard ?

Et avec un tremblement de jalousie dans la voix :

— Peut-être aimez-vous déjà quelqu’un de la guerre ? Éveline, vous n’étiez pas triste autrefois. En aimiez-vous donc un qui est mort à la bataille ? Je ne dirais plus rien et j’attendrais que votre cœur fût guéri de son deuil.

Elle eût voulu crier grâce ; mais ses yeux étaient fixés sur ce coin de table où se voyait encore la trace du geste brutal et elle sentait sur elle la volonté du père.

Elle fit effort et, sur ses lèvres, vint un pauvre sourire.

— Vous êtes grand questionneur, dit-elle ; pour vous répondre, il me faudrait tout un moment… et voici le laitier qui jette son appel.

Il s’effaça et elle sortit on hâte. Le laitier passé, elle s’attarda par la cour. Pourtant, il lui fallut bien rentrer.

Honoré s’était assis au coin du feu ; alors elle parla la première, contant avec une gaieté forcée les démêlés du facteur et du laitier qui ne pouvaient se rencontrer sans se dire de grandes injures.

— Le facteur venait… ce matin il venait à bicyclette…, depuis quelque temps, il a une bicyclette… alors, comme toujours, le laitier lui a barré la route. Le laitier prétend que c’est son mulet qui tourne tout seul… Pour ça, il a du vice son mulet…, on peut le dire…, il m’a tué une cane la semaine dernière… Alors, le facteur a été obligé de descendre de sa machine et tu es ceci, et tu es cela !…Il fallait les entendre !