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LA PARCELLE 32

larges ondes languissantes. Au bout de l’allée, près du mur de clôture, un pommier tardif était en fleur, tout seul, tout blanc dans l’ombre violette.

Onze heures sonnèrent ; d’habitude, Éveline était couchée depuis longtemps, mais ce soir elle ne songeait pas à gagner son lit. Toutes ses émotions de la journée aboutissaient à un étrange émoi qui la faisait tendrement défaillir. Malgré le chagrin causé par le mauvais vouloir du père, c’était sur son cœur comme une brusque floraison.

Un bruit insolite la tira de sa belle songerie ; quelqu’un marchait lentement, avec précaution, sur le routin du verger. Elle eut peur et voulut fermer la fenêtre mais les pas s’arrêtèrent et un souffle vint vers elle :

— Éveline !

Le sang lui afflua au cœur ; elle se dressa, frémissante : Maurice était là !

Leurs mains se nouèrent et elle se trouva sur la poitrine du jeune homme. Elle murmura, si bas, qu’il l’entendit à peine :

— Te voilà donc revenu ! J’ai eu tant de peine à cause de toi ! Je te croyais perdu pour moi, Maurice !

Et tout à coup, la raison lui revint :

— Va-t’en, Maurice ! écoute-moi…, il faut que tu t’en ailles ! Si le père nous entendait, il ferait un malheur !

Il répondit à voix basse, lui aussi :

— Je ne crains personne, ayant déjà tout bravé. Les idées de ton père ne comptent pas pour moi… Si tu me repousses, je penserai que tu es une fille menteuse, car tu es en âge de liberté…, et je