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LA PARCELLE 32

luzernière de Sicot de la Baillargère. Avant la guerre, Maurice avait été valet pendant un an chez Sicot et celui-ci venait de l’embaucher pour la durée de sa permission.

Il n’était pas étonnant de voir un soldat travaillant aux champs. Il s’en trouvait toujours quelques-uns ici ou là, dans la plaine : gars sages pour qui la paresse n’était de mise qu’à l’armée, pour les besognes secondes de la guerre et dont le profond contentement était de pousser la charrue, entre deux batailles, dans les champs paisibles et fertiles. Beaucoup s’acharnaient à l’ouvrage et faisaient en huit jours le travail d’un mois.

Mais Maurice, à l’habitude, passait son temps à battre le pays comme un léger garçon.

— J’ai trop d’amis, disait-il ; je n’ai jamais le temps de les voir tous.

On le rencontrait à Fougeray, à Quérelles, à Saint-Étienne, tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, couchant chez ses anciens patrons, buvant leur vin et taquinant leurs filles. À la ville, le jour du marché, avec ses hôtes de la semaine et les soldats qu’il rencontrait, il faisait largesse, dépensant jusqu’à son dernier sou.

Quand les filles de Fougeray le virent travailler ainsi chez Sicot, elles pensèrent d’abord qu’il devait cette sagesse nouvelle à celle de la Baillargère et elles en firent des gorges chaudes. Marie Sicot avait trente-six ans, clochait de la jambe gauche et sa grosse figure carrée était piquetée de son. Ce serait merveille si elle gardait à l’attache ce beau gars fanfaron !

Marie Sicot, elle, ne se forgeait pas de chimères. Elle se savait laide et, comme elle était de sens