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NÊNE.

Il me faudra prendre un de ces deux qui sont sourds et aveugles. Après, je saurai bien arranger ma vie.

Ayant desservi la table elle s’installa devant sa machine à coudre. Lentement, elle se mit à enrouler un fil de soie sur la bobine. Et, lentement, ses pensées se dévidèrent aussi ; mais, courtes et de fil rude, elles se mêlaient, se nouaient, s’accrochaient ; elles ne coulaient point comme un bel écheveau lisse.

Le regret la mordait. Pourquoi avait-elle joué à affoler ce jeune prêtre ? Et ensuite surtout, quand il s’était traîné à ses genoux comme un possédé, pourquoi s’était-elle prêtée à ses exigences bizarres ? Elle l’avait donc aimé cet adolescent au teint blanc et aux yeux de rêve ?… Leur audace avait rendu le scandale inévitable.

Maintenant le vide se faisait autour d’elle. Certes, on avait étouffé l’affaire à cause de la honte qui rejaillissait sur l’Église ; on avait fait tout le possible pour que la nouvelle n’en vînt point aux oreilles des protestants et des dissidents ; mais, tout de même, les langues avaient joué à Chantepie.

Les deux petites apprenties avaient été vite retirées par leurs parents, les ménagères catholiques s’étaient mises en quête d’une autre couturière et les galants eux-mêmes, ne se pressaient plus autour de cette fille compromettante.

Que faire ? La misère venait. Elle ne paraissait pas encore dans la maison, mais elle était pour demain.

Violette songeait. La ville était bien là, toute prête