— Je bois la liqueur de Rédemption…
Le reste de sa phrase se perdit à travers les éclats de rires. Gédéon tenait le pichet :
— Ne t’en prive pas, vieux, si cela te fait du bien.
Pourtant à la table des Dissidents, quelqu’un blâma le jeune homme. De loin, Corbier lui fit signe de se taire.
Samuel parlait toujours ; dans le bruit on entendait des lambeaux de phrases, des bouts de versets mal assortis :
— Il y en a qui pleureront… ils ont des yeux et ils ne voient point… En vérité, je vous le dis…
À la table grasse un protestant raisonnait :
— Ça n’a pas de bon sens… ce n’est pas ce qui entre dans le corps qui salit l’âme.
— Vous le prétendez, répondit Boiseriot, mais tout le monde n’est pas de votre bord…
— Non ! continua un autre catholique ; on est chrétien ou on ne l’est pas… Nous avons des prêtres pour nous mener, il n’y a qu’à suivre… Il y a des gens qui vivent comme des bêtes…
Le protestant haussa les épaules et se coupa un morceau de lard ; lui ne croyait plus à grand’chose et ces discussions lui paraissaient tort sottes… Mais de la table des Dissidents, la riposte vint, tout droit.
C’est ça !… Il n’y a qu’à suivre le berger… tant pis si l’on va sur un mauvais pacage !… Qui c’est qui vit comme des bêtes ?