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Page:Perrault - Contes des fées, 1886.djvu/54

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CONTES DES FÉES.

maître, il déclara publiquement son mariage, et alla en grande cérémonie quérir la reine sa femme dans son château. On lui fit une entrée magnifique dans la ville capitale, où elle entra au milieu de ses deux enfants. Quelque temps après, le roi alla faire la guerre à l’empereur Cantalabutte, son voisin. Il laissa la régence du royaume à la reine sa mère, et lui recommanda fort sa femme et ses enfants. Il devait être à la guerre tout l’été ; et, dès qu’il fut parti, la reine-mère envoya sa bru et ses enfants à une maison de campagne dans les bois, pour pouvoir plus aisément assouvir son horrible envie. Elle y alla quelques jours après, et dit un soir à son maître d’hôtel : — Je veux manger demain à mon dîner la petite Aurore. — Ah ! madame ! dit le maître d’hôtel. — Je le veux, dit la reine (et elle le dit d’un ton d’ogresse qui a envie de manger de la chair fraîche), et je la veux manger à la sauce Robert. Ce pauvre homme, voyant bien qu’il ne fallait pas se jouer à une ogresse, prit son grand couteau et monta à la chambre de la petite Aurore : elle avait pour lors quatre ans, et vint en sautant et en riant se jeter à son cou, et lui demander du bonbon. Il se mit à pleurer ; le couteau lui tomba des mains, et il alla dans la basse-cour couper la gorge à un petit agneau, et lui fit une si bonne sauce, que sa maîtresse l’assura qu’elle n’avait jamais