Page:Perrault - Contes des fées, 1886.djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
76
CONTES DES FÉES.

manda les cuisinières, les marmitonnes, les gardeuses de moutons : on amena tout cela ; mais leurs gros doigts rouges et courts ne purent seulement pas aller par-delà de l’ongle.

A-t-on fait venir cette Peau d’Âne qui m’a fait un gâteau ces jours derniers ? dit le prince. Chacun se prit à rire, et lui dit que non, tant elle était sale et crasseuse. Qu’on l’aille chercher tout à l’heure, dit le roi ; il ne sera pas dit que j’aie excepté quelqu’un. On courut, en riant et se moquant, chercher la dindonnière.

L’infante, qui avait entendu les tambours et les cris des hérauts d’armes, s’était bien doutée que sa bague faisait ce tintamarre ; elle aimait le prince, et comme le véritable amour est craintif et n’a point de vanité, elle était dans la crainte continuelle que quelque dame n’eût le doigt aussi menu que le sien. Elle eut donc une grande joie quand on vint la chercher et qu’on heurta à la porte. Depuis qu’elle avait su qu’on cherchait un doigt propre à mettre sa bague, je ne sais quel espoir l’avait portée à se coiffer plus soigneusement, et à mettre son beau corset d’argent, avec le jupon plein de falbalas, de dentelles d’argent, semé d’émeraudes.

Sitôt qu’elle entendit qu’on heurtait à la porte et qu’on l’appelait pour aller chez le prince, elle remit promptement sa peau d’âne,