Page:Perrault - Contes des fées, 1886.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
86
CONTES DES FÉES.

Hélas ! non, ma sœur : je vois un troupeau de moutons. — Ne veux-tu pas descendre ? criait la Barbe Bleue. — Encore un petit moment, répondit sa femme ; et puis elle criait : Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? — Je vois, répondit-elle, deux cavaliers qui viennent de ce côté ; mais ils sont bien loin encore. Dieu soit loué ! s’écria-t-elle un moment après : ce sont mes frères. Je leur fais signe, tant que je puis, de se hâter. La Barbe Bleue se mit à crier si fort que la maison en trembla. La pauvre femme descendit, et alla se jeter à ses pieds tout éplorée et tout échevelée. — Cela ne sert de rien, dit la Barbe Bleue, il faut mourir. Puis, la prenant d’une main par les cheveux, et, de l’autre, levant le coutelas en l’air, il allait lui abattre la tête. La pauvre femme, se tournant vers lui, et le regardant avec des yeux mourants, lui demanda un petit moment pour se recueillir. — Non, non, dit-il, recommande-toi bien à Dieu ; et, levant son bras… Dans ce moment on heurta si fort à la porte, que la Barbe Bleue s’arrêta tout court : on ouvrit, et aussitôt on vit entrer deux cavaliers qui, mettant l’épée à la main, coururent droit à la Barbe Bleue. Il reconnut que c’étaient les frères de sa femme, l’un dragon et l’autre mousquetaire, de sorte qu’il s’enfuit aussitôt pour se sauver ; mais les deux frères le poursuivirent de si