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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

Ce sourire vainquit mon hésitation.

« Tiens, grand’mère, » dis-je en lui tendant mon bouquet. Elle me regarda, étonnée, me fit un signe de tête et approcha les fleurs de son visage, comme pour en respirer le parfum. Au bout d’un moment, elle les passa dans son fichu et croisa de nouveau ses mains sur ses genoux. Ses joues étaient humides… elle aussi avait pleuré… Pourquoi donc ? Est-ce qu’elle avait comme moi pensé à maman ?

Je m’en allai. Mais, vers le soir, à cette heure charmante où il ne fait plus tout à fait jour et où cependant la lampe n’est point allumée encore, je revins comme de coutume m’asseoir auprès de ma grand’mère.

Elle me disait souvent des contes, à cette heure-là, quand j’avais été sage.

Le jour dont je parle, lorsque j’entrai, elle m’attira sur ses genoux, et, posant ma tête sur son épaule, me parla doucement et tendrement raison.

Cela produisit chez moi un bien singulier phénomène : J’éclatai en sanglots… Mais j’embrassai ma grand’mère de bon cœur, et ce fut, je crois, la première fois depuis notre vie commune.

Je ne m’en rendis pas moins coupable, trois jours après, l’un nouveau méfait.