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L’ÉPOUSE ET LA MÈRE

considérable et lucratif. On a tellement pris l’habitude de faire passer les colons pour des marchands de bois déguisés !

Eh ! bien, détrompez-vous. Ni Madame Croteau, ni ses enfants n’ont pu réaliser un centin avec le bois qu’il y avait sur les lots. La forêt avait passé au feu et ne possédait plus aucune valeur commerciale, sans rendre pour cela le travail de défrichement plus facile. Il ne restait en somme que du bois de chauffage pour les besoins domestiques.

Sans doute, comme la chose se pratique dans un grand nombre de nos familles pendant les saisons mortes, les garçons allaient passer l’hiver dans les chantiers, où leur travail devenait plus rémunérateur qu’à la maison. Mais pendant l’absence des garçons, Madame Croteau et ses filles voyaient elles-mêmes à tous les soins de la ferme, et, le printemps suivant, le bas de laine devenait plus résolument dodu.

Pendant le cours de l’été, j’ai voulu montrer notre beau pays de l’Abitibi et l’intéressante population qui l’habite, aux ministres, aux conseillers législatifs, aux députés, aux hommes d’affaires, ainsi qu’à des représentants du clergé et de la presse. J’organisais une excursion à cette fin, du 16 au 21 août. Partout, nous fûmes reçus à bras ouverts, et, dans les cantons les plus importants, des banquets magnifiques nous furent donnés, à mes compagnons de voyage et à moi-même. Lorsque nous fûmes à Amos, je trouvai que le moment était bien choisi, au milieu des représentants de toutes les classes de notre société et venant de toutes les parties de la province, pour récompenser le mérite de Madame Croteau et pour mettre en évidence devant notre population les succès remportés par une femme courageuse, mais sans ressources.


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