grade m’avait appris à me tenir en garde contre
les scélérats : je m’étais accoutumée à ne regarder
les bonnes qualités de Derval que comme
un piège, duquel il fallait me défier, et qui
pourrait me rejeter dans quelques nouveaux
malheurs. La perte de ce dernier m’avait affligée
pendant six semaines, après lesquelles j’avais
réfléchi sur l’abus qu’il y a à se désespérer : j’y
pensais quelquefois, mais sensément et sans
frénésie. On lia plusieurs parties de campagne,
dans lesquelles on ne me donna pas le temps
de m’ennuyer : il n’y avait que celle de M. Démery,
pour laquelle, toute gracieuse qu’elle
était, j’avais pris un dégoût que toute ma complaisance
ne put dissimuler ; aussi ne me pressait-il
plus d’y séjourner : mais m’ayant ouï faire
l’éloge d’une jolie maison à une lieue de Bordeaux,
appartenant à une madame du Bellois,
qui y rassemblait nombreuse compagnie, il me
proposa de me faire faire connaissance avec elle.
La chose ne fut différée qu’à la première occasion,
que fit bientôt naître un de ses parents,
qui avait passé quelques jours à celle de M. Démery,
où il avait été parfaitement bien reçu. Il
demanda, de la meilleure grâce du monde, qu’il
lui fût permis de faire sa cour à sa parente, en
lui présentant une personne qui ne pouvait,
disait-il, que faire le plaisir des sociétés les
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LES ÉGAREMENTS