coucher avec moi, elle ne fut pas plutôt au lit
qu’elle s’endormit. Je voulus, avant de m’approcher
d’elle, donner à ses sens le temps de s’appesantir ;
mais le sommeil trahit bientôt toutes ses
précautions et prévint mes désirs. Comment
rendre la surprise, le transport, l’ivresse où je
me vis passer dans un instant ? Moments
uniques, vous fûtes les plus beaux de ma vie !
que ne duriez-vous toujours ! Ah, Cécile ! Cécile !
est-ce à votre âge qu’on a tant de simplicité ?
Je l’entends enfin qu’elle s’agite, qu’elle se
retourne ; sa respiration précipitée m’annonce
sa tendre émotion : elle s’approche de moi, me
rencontre, m’embrasse ; ses mains libertines
abandonnent leur poste pour se servir d’un bien
différent ; sa bouche brûlante se colle sur mes
lèvres. Je tremble qu’elle ne se réveille, je demeure
immobile ; quelques mouvements imperceptibles
lui facilitent son dessein ; ma
main ne veut point être en reste : je cherche
à figurer, je touche… Mais Ciel ! quelle
est ma surprise ! la métamorphose la plus
brillante m’apprend que je n’ai plus de femme de
chambre. Il est des frayeurs dont on ne meurt
point. Quelque bégueule eût sonné en pareil
cas ; mais je m’en gardai bien : au contraire, je
m’assurai du phénomène. Je sentis bien que le
plus prudent était de tirer parti de la conjonc-
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LES ÉGAREMENTS